Les sondages de collaborateur·rices doivent être anonymes. Juste ?
De Nils Reisen le 21.01.2025 | 4 minutes de temps de lecture

L’anonymat est un peu la vache sacrée des sondages de collaborateur·rices. Mais est-il vraiment indispensable ? Ou le secret du succès réside-t-il plutôt dans une approche plus ouverte ?
L’anonymat – une arme à double tranchant
Dans les sondages de collaborateur·rices, l’anonymat est souvent considéré comme essentiel. L’idée derrière cela : seules les personnes qui ne craignent pas de conséquences négatives donnent un feedback honnête.
Mais en y regardant de plus près, on réalise que l’anonymat ne soulève pas seulement des questions fondamentales – il crée aussi souvent plus de problèmes qu’il n’en résout.
En effet, les sondages anonymes présentent plusieurs inconvénients :1
- « Kill the messenger » : Un sondage anonyme envoie un message implicite – exprimer son opinion est risqué et les personnes qui donnent du feedback doivent être protégées.
-« Chasse aux sorcières » : On cherche à identifier les auteur·rices de commentaires négatifs, ce qui entraîne parfois des accusations injustes contre des collègues qui n’ont rien dit. - Vider son sac : L’anonymat pousse certaines personnes à exagérer ou à exprimer leur frustration de manière disproportionnée. D’après notre expérience, ce type de feedback mène rarement à des améliorations concrètes.
Les sondages anonymes font un peu penser à WikiLeaks – une plateforme permettant de dénoncer des comportements contraires à l’éthique, où les lanceur·euses d’alerte doivent rester anonymes pour se protéger. Mais un sondage de collaborateur·rices est-il vraiment le bon endroit pour ce genre d’escalade ?
Ces situations existent, mais elles ne représentent qu’une infime partie des défis d’une organisation. Faut-il vraiment instaurer un climat de méfiance et de peur juste pour gérer ces rares cas ? Et ne devraient-ils pas être traités autrement ?
L’avantage de la transparence
Les sondages de collaborateur·rices devraient fonctionner comme Wikipédia – une plateforme ouverte où chacun·e partage ses connaissances et expériences pour apprendre et avancer ensemble.
La transparence, c’est…
- Un moteur de feedback constructif : Savoir que mon feedback est attribué à mon nom m’incite à choisir mes mots avec soin, posant ainsi les bases d’un dialogue constructif.
- La clé de discussions efficaces : Seul un feedback transparent peut mener à des discussions utiles et à des améliorations concrètes.
- Un accès équitable aux informations : Les collaborateur·rices et les managers voient le même feedback, évitant ainsi tout déséquilibre où certaines personnes utilisent l’accès à l’information pour gagner en influence.
Ne serait-ce pas plus efficace que de s’accrocher aveuglément au sacro-saint anonymat ?
De vraies améliorations naissent quand tout le monde s’implique
Les sondages de collaborateur·rices doivent mener à des changements concrets. Mais connaître les résultats ne suffit pas – il faut comprendre leur contexte. Quelles sont les causes sous-jacentes ? Quelles actions sont pertinentes ?
Les équipes ont souvent de meilleures réponses que les RH ou la direction. Pour être efficaces, les retours doivent être accessibles à toute l’organisation, dans un format qui encourage les échanges.

Transparence ne signifie pas exposition totale
Il n’est pas nécessaire de tout dévoiler. Apprendre des retours d’expérience est possible sans transparence totale. Autrement dit, certaines informations doivent être visibles, d’autres non.
Notre approche est simple :
- Les évaluations restent anonymes et apparaissent sous forme de scores d’équipe.
- Les commentaires sont visibles par tou·tes, mais les noms ne sont affichés que dans l’équipe concernée.
Cela permet un apprentissage collectif, des discussions productives et un certain respect de la confidentialité.
Avec le recul, nous savons que ce juste milieu est la meilleure solution.
Conclusion : le changement demande du courage
Des organisations de tous secteurs – banques, assurances, institutions publiques et PME – ont adopté notre approche avec succès. Contrairement aux craintes initiales, les collaborateur·rices réagissent avec un « Enfin ! » plutôt qu’un « Sans moi ! »
Chez nos client·es, la vache sacrée a laissé place à une culture du feedback constructive, qui s’améliore avec le temps. Les participations augmentent, les commentaires sont plus nombreux et détaillés, et le feedback devient plus critique – même lorsque la satisfaction globale progresse et que la culture du feedback est mieux perçue.
Le succès de cette approche ne se mesure pas seulement à la hausse des participations, mais surtout à l’amélioration durable de la culture d’entreprise et des processus de travail.
Un véritable changement passe par un dialogue réel – et celui-ci ne peut exister sans transparence.
Références
1Detert, J. R., & Burris, E. (2016, January/February). Can your employees really speak freely? Harvard Business Review. https://hbr.org/2016/01/can-your-employees-really-speak-freely